“Funan” : l’amour d’une mère sous les Khmers rouges
Pour son tout premier long métrage animé, Denis Do nous raconte le douloureux périple d’une famille cambodgienne prise dans les filets du gouvernement autocratique des Khmers rouges, entre 1975 et 1978. Cette histoire, c’est la sienne, mais plus particulièrement celle de sa mère.
De la fête aux larmes
Une journée ensoleillée, un festival de klaxons entre deux rues, des rires qui se mêlent et s’entremêlent. C’est une ambiance chaleureuse, presque festive, qui s’ouvre à nous pendant les premières minutes du film, jusqu’à ce qu’elle soit brutalement interrompue par un silence insoutenable. On ressent alors très vite les prémices d’un peuple déjà troublé.
Nous sommes le 17 avril 1975, une période sombre dans l’histoire du Cambodge. Les Khmers rouges ont pris le pouvoir et ont évacué tous les habitants de la capitale afin de les installer dans plusieurs camps de travail disséminés dans tout le pays. À travers ce violent tourbillon, Chou, une jeune mère cambodgienne, se voit séparée de son fils, Sovanh, qu’elle va tenter de retrouver, malgré tous les obstacles auxquels elle sera confrontée.
Entre souffrance et non-dits
Une mise à nue s’opère du côté des personnages, qui deviennent peu à peu vulnérables face à leur nouvelle vie. Ils exposent leur fragilité aux yeux de tous. Ils s’affaiblissent, doivent se battre contre leurs propres démons. Chou et le reste de sa famille marchent péniblement sur les cadavres de leur passé encore souillé. Mais peu importe leur position ou leur statut, les gens partagent tous les mêmes inquiétudes et les mêmes tourments.
Il est intéressant de noter que Denis Do aborde la violence de certaines scènes en passant par des non-dits. Il ne nous montre pas les événements directement, mais à travers les yeux des Cambodgiens. À ce moment-là, eux seuls sont spectateurs, pendant que nous sommes abruptement confrontés à leur affliction, ce qui rend les scènes d’autant plus poignantes.
Une animation à la fois sobre et imposante
Funan se démarque également par la qualité remarquable de son animation, qui privilégie les couleurs sobres et chaudes. Ainsi, une certaine douceur se dégage-t-elle de ces immenses paysages à perte de vue. Un contraste saisissant avec la souffrance que traversent les personnages, tristes victimes de la paranoïa du régime.
Par cette démarche, Denis Do souhaitait conserver toute la beauté et la force de ce pays : “Dans mon esprit, le Cambodge ressemble à une femme. Belle de par sa nature, son essence et sa sensualité. Funan rend hommage à cela. Et aussi à son peuple, qui a tout perdu et qui est encore là, grâce à sa détermination et à sa volonté de vivre.”
Un premier film prometteur dont les qualités justifient sa victoire au Festival d’Annecy.
Jennifer Dos Santos
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